L’exposition aux rayonnements ionisants d’une femme enceinte est le plus souvent source d’inquiétude et d’interrogations. L’inquiétude est le plus souvent non justifiée et les interrogations sont trop tardives. La méconnaissance du sujet risque de nuire à la femme qui nécessite une exploration d’imagerie (une tomodensitométrie thoracique ou une scintigraphie pulmonaire doit être réalisée même en début de grossesse en cas de suspicion d’embolie pulmonaire) ou de conduire à des attitudes inadaptées comme d’accepter voire de proposer une interruption médicale de grossesse après une faible exposition aux rayonnements ionisants. Il est important de revoir les elements clefs des effets des rayonnements ionisants sur l’embryon et le foetus, les doses reçues lors des explorations diagnostiques et l’attitude à adopter devant les principales situations cliniques.
Les effets déterministes et stochastiques doivent être discutés. L’effet déterministe à considérer est le risque tératogène et l’effet stochastique concerne le risque de cancer pour l’enfant à naître.
1. le risque tératogène
Comme tout effet déterministe, il n’apparaît que si un seuil est franchi. La particularité de l’exposition réside dans la sensibilité variable de l’embryon et du foetus au cours de la grossesse. Durant la première semaine post-conceptionnelle, l’effet répond à la loi du tout ou rien car à ce stade toutes les cellules ne sont pas encore différenciées et sont totipotentes. Soit trop de cellules meurent et l’embryon ne se développera pas, soit il n’y a que quelques cellules détruites et l’embryon se développera normalement.
Pendant la phase d’organogenèse (du 9ème jour à la 9ème semaine suivant la conception), la mort de cellules en cours de différenciation n’entraînera pas l’arrêt de la grossesse mais l’arrêt de développement d’un organe ou d’un membre. Le seuil d’apparition est fixé à 100 mGy. Au-delà de la 9ème semaine, le risque de malformation se réduit progressivement car la plupart des tissus sont alors différenciés. L’organe le plus sensible à cet âge est le cerveau. En effet, les processus de migration neuronale se poursuivent jusqu’à la 15ème semaine. La perturbation de la migration neuronale peut être responsible de malformation ou de retard mental. Le seuil d’apparition d’un retard mental est de 200 mGy. L’imputabilité d’une exposition aux rayonnements ionisants sur le risque d’une malformation ou d’un retard mental lié à une exposition est en pratique difficile à apprécier car le risque spontané de malformation ou de retard mental est élevé, estimé à 3 % des grossesses.
2. le risque d’apparition de cancer après exposition aux rayonnements ionisants
C’est un risque stochastique lié à des modifications de l’ADN sans mort cellulaire. Comme tout risque stochastique, il est aléatoire sans seuil et augmente avec la dose. L’augmentation du risque de cancer est estimée à 0,05 % pour 10 mGy reçus in utero. Ce chiffre doit être rapporté à l’incidence spontanée du risque de cancer chez l’enfant qui est de 0,25 % (entre la naissance et 15 ans). Le suivi des populations irradiées in utero à Hiroshima et Nagasaki n’a pas démontré d’augmentation de l’incidence des cancers. Les données de la littérature sont souvent contradictoires. En 1988, Bitchell réalise une métaanalyse et conclut à une augmentation du risque de cancer de 40 % à la suite d’une exposition aux rayonnements ionisants 1 . Une méta-analyse publiée en 2008 2 ne retrouve pas d’augmentation du risque de leucémie ou de cancer lié aux expositions aux rayonnements ionisants à des fins diagnostiques en prénatal. Prudemment, les auteurs concluent que leurs resultants permettent pas d’infirmer les constatations précédentes.
De l’incertitude scientifique découle une règle de prudence qui est de se limiter aux indications médicalement indispensables et d’optimiser la technique de réalisation de l’examen pour permettre d’obtenir une qualité diagnostique au coût radique le plus faible.
Le tableau 1 reprend les valeurs de doses moyennes reçues par le foetus lors d’examens en radiologie conventionnelle et en tomodensitométrie données par l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique). Le tableau 2 donne des estimations de la dose corps entier reçue par le foetus délivrée par des examens de médecine nucléaire en début et en fin de grossesse.